Le Rollier d’Europe (Coracias garullus) est un oiseau magnifique. Peut-être « Le plus beau de nos oiseaux européens » comme le clamait déjà Linné en 1745. Il est assez rare dans notre pays, environ 1500 couples pour toute la France, et uniquement nicheur dans les départements du pourtour méditerranéen (hormis les Alpes-Maritimes) et de la basse vallée du Rhône. Mais, au-delà de sa beauté, ses comportements sont également fascinants à observer. Parmi ceux-ci, il en est un assez spectaculaire à photographier : l’offrande nuptiale.
Ce comportement n’est pas facile à photographier et il faut réunir un grand nombre de circonstances favorables pour y parvenir. Bien sûr, un affût sera nécessaire de façon à ne pas être perçu par les oiseaux. De plus, il faudra prendre beaucoup de précautions afin d’échapper à la vigilance du couple car tout dérangement serait à la fois peu éthique et, de plus, contre-productif au plan photographique. Cela signifie, en particulier, se lever très tôt le matin afin de gagner l’affût alors qu’il fait encore nuit avant l’arrivée des oiseaux sur le site de façon à ne pas être repéré. Et puis, en fin de séance, abandonner l’affût après que les oiseaux aient eux-mêmes quitté les lieux car, pas plus que lors de l’installation, il ne faut prendre le risque de les déranger au moment du départ. Et, entre-temps, une immobilité la plus parfaite possible est requise et un silence total afin de rester indétectable. Une école de patience…
L’offrande est un moment clé dans la parade nuptiale du Rollier et c’est un comportement que je rêvais de voir et photographier. La femelle est là, perchée sur une branche à proximité du nid. Un insecte au bec, le mâle se pose à côté d’elle. Il s’approche et lui présente la proie, l’invitant à s’en saisir. La femelle s’en empare et, après quelques jonglages avec la proie qu’elle lance dans les airs et récupère dans son bec, elle ingurgite l’insecte puis s’envole.
Un matin, les offrandes vont se succéder à un rythme frénétique. Et là, à trois reprises au cours de cette session d’affût, après avoir saisi l’insecte présenté en offrande, la femelle se met aussitôt en position d’accouplement : elle bascule à l’horizontale et présente son dos à son mâle en signe de consentement. Celui-ci lui grimpe dessus avec quelques battements d’ailes pour se maintenir en équilibre. Cela dure une dizaine de secondes. La transition de l’offrande à l’accouplement est très rapide et j’observe que la femelle n’a pas eu le temps d’ingurgiter l’insecte offert par le mâle et qu’elle le tient dans son bec tout le temps de l’accouplement. Elle ne l’avalera qu’une fois l’acte terminé.
Les proies apportées ainsi en offrande sont extrêmement variées et vont de l’araignée minuscule à des insectes plus massifs tels que le Dectique front blanc ou la Cigale plébéienne. Il arrive même que des lézards ou des souris soient au menu ! Un excellent présage pour une union que l’on espère prolifique.